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Lettre du 7 mai 2021

J’en suis encore à compter les mois et le 7e jour de chacun d’entre eux continue à avoir un sens particulier pour moi. Vingt-trois mois aujourd’hui, un an et quelque, pas encore deux, que Paloma a perdu la vie. Je ne calcule jamais l’âge qu’elle aurait aujourd’hui. Pour moi, elle a dix ans pour l’éternité, même si je vois quelquefois des enfants, — je devrais dire “des adolescents” — qui avaient son âge ou qui, comme elles, sont nés en 2008, et me paraissent bien grands ! Mais cela ne veut pas dire grand-chose, tant mon rapport au temps est altéré : certains événements plus récents me semblent bien plus éloignés que certains souvenirs avec ma fille.

À l’impossible et pourtant inévitable question : “comment ça va ?”, certains indices semblent montrer que “mieux”, principalement parce que l’être humain a cette capacité à s’habituer à la souffrance, à défaut d’accepter ce qui continue à être pour moi une énigme. Je ne me demande pas pourquoi, la question est stérile, mais la situation n’en est pas moins étrange : nous avions deux enfants, encore petits et dépendants et nous nous retrouvons soudain avec un seul, déjà presque adulte tant les événements ont fait grandir Bruno. Tant de choses que nous faisions à quatre ont perdu tout leur attrait maintenant qu’il n’a plus sa sœur avec qui les partager. La famille que nous étions n’est plus et le vide laissé continue à assombrir notre quotidien.

C’est le mois de mai, celui de la fête des mères, dimanche dernier en Espagne, dimanche 30 mai en France. Pour nous, juste un jour comme un autre où nous n’avons pas le cœur de nous réunir en famille. Les restrictions sanitaires sont presque un soulagement puisqu’elles évitent que la question se pose et nous force à donner des explications. Pour combien de mères et combien d’enfants ce jour est-il difficile ? Parce que, si la mort d’un enfant est insupportable, une maman, ça ne devrait jamais mourir non plus, et pourtant… Le plus beau cadeau qui soit, cadeau d’amour, gratuit, fait au monde, celui de donner la vie, arraché, quelle plus grande peine peut-on imaginer ? Pourtant, cette vie donnée continue à fructifier tant qu’on prend soin du souvenir de notre cher disparu.

Avec des hauts et des bas, il me semble que Paz et moi parvenons à maintenir de plus en plus la tête hors de l’eau. Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous considérons que nous avons de la chance d’être épargnés de bien d’autres maux qu’engendre souvent la perte d’un enfant : nous sommes unis, avons tous les deux un travail, assez de temps (mais pas trop !), sommes — et vous êtes bien placés pour le savoir, — bien entourés…

Nous commençons à nous réunir entre parents endeuillés dans les Asturies et, en attendant d’ouvrir une maison d’accueil, le “Nid de Paloma”, comme je l’ai déjà évoqué, nous souhaitons ouvrir la nôtre le temps d’une journée, d’un week-end, pour accompagner ces familles, c’est la vocation de notre association et, si nous pouvons le faire, pourquoi attendre davantage ?

J’ai fini le premier jet de mon manuscrit, c’est l’essentiel, si mon témoignage peut servir, j’espère alors qu’il sera publié et rencontrera les lecteurs qu’il pourrait aider. En attendant, vous pouvez faire comme Nelson Monfort et lire “Regards”. Merci de tout cœur, Nelson, pour ta fidélité et le si gentil message que tu as adressé lundi dernier sur France Info TV à la fin de ta chronique sportive concernant cet ouvrage ; mai est aussi le mois de la sensibilisation aux tumeurs cérébrales, d’où l’importance d’aider à faire connaître un livre comme celui-ci.

Je vous embrasse avec une pensée particulière pour toutes les mamans du monde et leurs enfants, où qu’ils soient. Et si, pour une raison ou pour une autre, vos relations sont difficiles ou distendues, n’attendez pas qu’il soit trop tard, faites un geste pour tenter de les améliorer, vous serez surpris comme parfois un petit signe peut faire des miracles.

A fide sanatio

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