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LETTRE N°39

Paloma est de plus en plus faible. Elle se nourrit très peu et avec difficulté. Sa bouche est de plus en plus paralysée, elle a du mal à avaler, et si elle conserve le sens du goût, elle n’est pas capable de se rendre compte si elle a de la nourriture dans la bouche ou pas… Nous la nourrissons en utilisant des pipettes et elle prend beaucoup de plaisir à boire de l’eau non gélifiée depuis que nous lui avons acheté un verre avec bec verseur puisqu’elle n’a pas assez de force pour aspirer avec une paille ou utiliser un biberon. Il nous faut l’aider à ouvrir suffisamment la bouche et à la refermer à chaque bouchée.

Même la prise des médicaments devient un défi entre les risques de fausses-routes et sa difficulté à avaler autant les liquides que les solides. La question d’une sonde gastrique s’est posée afin de garantir que Paloma soit suffisamment alimentée et hydratée mais sa mise en place est

douloureuse et la présence d’un tube dans l’estomac inconfortable, ce qui n’en fait pas une solution idéale, loin s’en faut. Nous essayons donc, sa mère et moi, de la nourrir avec des aliments mixés frais et savoureux, afin de lui conserver l’un des derniers plaisirs à sa portée. Nous recourons également à des boissons pharmaceutiques hyperprotéinées goût caramel ou chocolat et dont elle raffole !

Désormais, la tumeur paralyse son visage si bien qu’elle ne peut plus sourire ni exprimer la moindre émotion. Elle le fait cependant en mettant ses doigts dans sa bouche quand elle veut sourire ou en désignant l’une des vignettes de son porte-vues.
Elle  se réveille très tôt mais se refuse à dormir pendant la journée ce qui fait qu’elle s’endort vers 20h30, parfois plus tôt, parfois pendant que nous lui donnons à manger, parfois avant même d’avoir pris ses médicaments, pour une nuit d’environ neuf heures, parfois moins…

À l’aube, je viens me substituer à sa mère auprès d’elle pour que Paz dorme encore une heure ou deux. (La plupart du temps, je trouve un moment pour faire une sieste dans la journée.)
Nous relisons les classiques de son enfance : Tu ne dors pas, petit ours ? de Martin Waddell et Barbara Firth, Devine combien je t’aime de Sam McBratney et Anita Jeram ou encore le magnifique Geronimo de David Walliams, acheté à Londres cet hiver, qui narre l’histoire d’un bébé pingouin avec des lunettes d’aviateur des années 40 et qui rêve de voler… Si je pouvais lui lire ces histoires…! Nous nous contentons de tourner les pages, je mime ou lui écris sur notre ardoise ce dont elle ne se souvient pas… J’ai beaucoup de chance de pouvoir partager ces moments avec elle. L’autre matin, elle a parodié la chanson de France Gall à mon attention, devenue, le temps d’une interprétation aphone : “Si papa, si…”
Devant la situation qui est la nôtre et qui empire un peu chaque jour, j’ai la triste impression que l’on ne grandit que dans les difficultés. Et pourtant, nous n’arrivons pas à savoir si nous faisons bien ou mal ni comment mieux nous y prendre pour accompagner Paloma sur son chemin si ardu mais si solitaire.
Nous ne la quittons plus et passons tout notre temps avec elle. Nous sommes ses bras, ses jambes, ses oreilles et sa voix, et y suffisons à peine pour pallier de notre mieux tout ce qu’elle a déjà perdu comme autonomie. 

Mais elle exprime encore clairement ses envies et ses joies comme lorsque notre amie Stéphanie lui a offert un magnifique T-shirt à l’effigie de Link, le héros de Zelda, confectionné par ses soins avec la phrase : “Paloma, princesse guerrière” ainsi qu’un costume de Link sur mesure pour Tedi, ou qu’elle reçoit une peluche Minion d’un fidèle ami !

S’exprimer lui demande un temps et un effort considérables… Si elle n’est pas encore guérie en juillet pour aller au Touquet, elle espère au moins pouvoir déjà reparler…
Mais parfois, elle se désespère : “Je ne vais jamais guérir.” Je lui écris des réponses qui l’apaisent un temps : “Garde confiance ! Marie veille sur toi et Dieu te protège”, “Moi, je suis sûr que tu vas  guérir ! ” “Il vaut mieux une vie pleine d’amour courte que longue et sans amour”. Ou encore : “Tu dois guérir parce que je t’aime”. Elle lève alors son pousse vers le haut et me demande de photographier l’ardoise.
Mais elle n’a pas que des idées noires, elle a aussi des envies : “Je veux faire une croisière en Espagne.
– Quand tu iras un peu mieux, tu n’en profiterais pas pleinement.
– Si, maintenant…”
Parmi les autres phrases qu’elle me demande parfois de prendre en photo y figurent ces phrases que je lui écris : “Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir”, “Il faut vivre, il faut guérir !” ou encore : “la guérison est possible !”, “Je suis sûr que tu vas guérir et je suis là pour t’accompagner.” À quoi elle me répond : “Moi aussi !”. Ou ces mots de sa mère : “Chaque jour que nous passons ensemble est un cadeau de Dieu”.
Paloma se projette aussi dans l’avenir : “Le dernier jour d’école, je veux y aller. Même si je suis muette, sourde et aveugle.”
Et je lui ai promis que nous achèterions des tonnes de chocolats au Touquet cet été à la mythique chocolaterie “Au Chat Bleu” !

 

Après la séance de manucure à domicile d’Audeline offerte par nos amis Sophie et Romain, Paloma a pris goût à ce plaisir et Paz lui peint régulièrement les ongles de toutes les couleurs…
Ces fantaisies n’empêchent pas les questions plus graves : “Comment on communiquera si je suis sourde, muette et aveugle ?
– On trouvera, on s’adapte comme toujours : par le toucher, les caresses…” ; ou métaphysiques : “Je vais retrouver Pati en forme de quoi ?
– Qu’est-ce que tu crois ?
– Que Pati va être un ange.
– Moi aussi.”

Les requêtes poignantes : “Reste toujours près de moi” ; les déclarations : “Je veux dire deux trucs avant de mourir : merci pour cette vie merveilleuse et pardon …” ; ou encore cette question, reflet d’une profonde inquiétude : “Mais sourde, muette et aveugle, tu m’aimes ?”
L’amour et les prières qui enveloppent Paloma ne sont certainement pas étrangers au fait qu’elle soit encore parmi nous – alors que sa tumeur est particulièrement agressive et peu sensible à ses multiples traitements – et, à en croire vos messages, elle transmet à sa manière force, courage et optimisme.
Je crois plus que jamais que le chemin est long pour qu’un miracle puisse s’accomplir mais qu’il peut arriver à tout moment. Or, dans ces temps désespérants, deux événements m’ont particulièrement touché : la venue, tout d’abord, de sœur Mayalen, religieuse des Filles de la Croix, venue prier avec nous à la maison et demander l’intercession de sœur Maria Laura – martyre sauvagement assassinée en Italie le 6 juin 2000 – pour la guérison de Paloma. Ensuite, la marche organisée à l’initiative de ma tante Catherine et de Marie-Noëlle, que nous surnommons affectueusement “grands-mères de Lourdes” en raison du pèlerinage annuel grands-mères/petits-enfants des vacances de la Toussaint et auquel Paloma compte bien se joindre pour la troisième année consécutive (n’a-t-elle pas dit à Paz aujourd’hui même, que la première chose qu’elle voudrait faire une fois guérie était d’aller à Lourdes pour dire merci ?) Cette marche, prévue ce vendredi 24 mai, et à laquelle vous êtes tous conviés, partira du pont Mirabeau (rendez-vous à 10h45 au pont Mirabeau coté rive gauche, devant la gare du RER) pour aller jusqu’à la chapelle de la Médaille miraculeuse, rue du Bac, pour assister à la messe de 12h30 et prier tout spécialement pour Paloma, Bruno et ses parents.

A fide sanatio

1 commentaire

  • Marguerite CHOIMET mai 24, 2019 - 6:16

    Bonsoir Henri,
    J’ai marché sur les chemins de St Jacques de Compostelle fin Avril en portant ta petite fille dans mes prières. Je garde toujours Paloma dans mes prières, et suis avec attention tes lettres.
    Actuellement je suis au Collège St Jeanne d’Arc de Pessac, nous aurons peut-être l’occasion de nous recroiser dans une prochaine école.
    Je suis très touchée par vos témoignages de Foi (toi et Paz). Vous pouvez compter sur ma prière!

    Marguerite

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