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Lettre N°41

– Tu n’es plus sûr que je vais guérir ?
– Je ne sais pas ce qui est mieux pour toi. J’ai confiance en Dieu. Et toi ?
– Aussi.  
Voilà mot pour mot l’un de mes derniers échanges matinaux avec Paloma, toute fin mai, lorsqu’elle se réveillait si tôt que nous “parlions” et prenions le temps de prière et de communier, l’Eucharistie nous étant portée régulièrement pour Paloma.
Son état général s’est dégradé tout au long de la dernière semaine de mai et du pont de l’Ascension. Réveillée à quatre heures du matin le vendredi et le samedi et ne dormant qu’une petite heure pendant la journée, elle était épuisée, n’arrivait plus à jouer et ne parvenait que difficilement à communiquer. Dans la nuit de dimanche à lundi, nous avons appelé l’astreinte de l’équipe de l’Hospitalisation à Domicile parce qu’elle respirait mal avec un pouls anormalement rapide. L’infirmière, en liaison avec le médecin de garde, a réussi à la stabiliser en lui donnant l’oxygène de cette bonbonne livrée juste au cas où en janvier dernier et qui ne devait sans doute jamais servir ainsi qu’un anxiolytique (de l’hypnovel) en sous-cutané pour l’aider à se détendre. Paloma est restée sous sédation jusqu’à son arrivée à l’hôpital, à peine consciente de l’arrivée de ses grands-parents espagnols, de retour des Asturies, du passage de Sarah pour sa séance d’acupressure axée sur la respiration et la bonne circulation des énergies, de Vincent, son kiné, venu lui faire un peu de kinésithérapie respiratoire, ou encore de M. Soum, son maître d’école, venu lui apporter le carnet de bord de la classe de neige à laquelle elle avait tellement tenu à participer mi-janvier ainsi que son carnet de notes pour compléter son dossier d’inscription en 6e l’année prochaine.
Nous sommes donc arrivés lundi (3 juin) en fin d’après-midi à l’hôpital et avons fait un nouveau point sur son état avec les médecins : elle n’est plus en état d’être nourrie par la bouche et la pose d’une sonde gastrique, non appropriée dans sa situation, est exclue. Compte tenu de ses faibles besoins, l’eau salée qui lui est administrée en sous-cutanée doit lui suffire. Or, Paloma a connu de nouveau, pendant la nuit de lundi à mardi, ce que les médecins appellent une “Situation de détresse respiratoire” : il faudra deux heures, entre 23h et 1h du matin, pour la stabiliser mais ce n’est que vers cinq heures qu’elle reprendra une respiration à peu près normale. Mardi matin, son médecin explique que la tumeur continuant son extension dans le tronc cérébral, elle touche des commandes de manière aléatoire provoquant des symptômes sans causes : sa poussée de fièvre à 38°7C notamment, n’est pas liée à une infection pulmonaire comme on avait pu craindre, c’est juste que le tableau de bord du cerveau est déréglé et envoie des signaux erronés au reste du corps… Il faut augmenter sa sédation pour tenter de l’apaiser, réguler sa respiration pour que l’oxygène arrive mieux au cœur et réduire l’apport d’oxygène. Et le médecin de conclure : “Nous n’empêcherons pas sa chute mais nous mettrons tout en place pour amortir le choc.” D’un point de vue médical, toute amélioration de son état est exclue, la stabiliser est ce qu’il y a de mieux à espérer. Vu son état, il ne lui resterait que quelques jours, quelques semaines à vivre. Tout le personnel du service d’oncologie pédiatrique est aux petits soins pour Paloma et pour nous qui ne la quittons plus. Tout mouvement brusque étant susceptible d’entraîner une nouvelle crise, elle est traitée avec une extrême douceur. Toute endormie qu’elle est la plupart du temps, Paloma a eu droit à un doux massage des mains expertes de Camille, la socio-eshéticienne de l’association parentraide-cancer.org.
Dans ces circonstances, à la logique de l’expérience médicale, j’oppose, une fois de plus, ma foi en une possible guérison miraculeuse. Ai-je tort ? Est-ce mal ? Suis-je stupide, aveugle, inconscient ? J’ai seulement peur de nourrir autour de moi de faux espoirs qui seraient déçus. Mais j’y crois parce que je sais ce miracle possible, qu’il ne l’est pas moins aujourd’hui qu’hier ou qu’il y a trois mois, qu’il n’y a pas de logique rationnelle, ce n’est pas une méritocratie ou une demande excessive comme de solliciter une prime à son patron qui devrait être justifiée. J’y crois parce que je la demande sans relâche, sans en douter, et que si le dessein de Dieu est autre, je m’y soumettrai sans faillir. Mais comme David a refusé l’armure qu’on lui tendait pour combattre Goliath, comme Moïse n’avait pas de gilet de sauvetage en traversant la Mer Rouge, j’avance sans filet et sans crainte. Bien sûr, je ne suis ni David, ni Moïse, je ne suis que moi, je n’ai pour toute ambition dans ma vie que de voir mes deux enfants grandir et de veiller sur eux du mieux possible, et le miracle n’est pas acquis. Et je ne dirai pas : “je le savais”, tout au mieux : “j’y croyais, j’y ai toujours cru et je ne  suis pas surpris”. Et j’attends le moment où le docteur D. dira à ma fille : “Paloma, tu es guérie.” Et parce que nous sommes dans l’inconnu, dans la souffrance et que le jugement n’est jamais très loin, je reprends à mon compte les paroles de mon ami, le père Christian Lancrey-Javal, dans son homélie du 2 juin : “Face à l’inconnu, l’espérance. Face à la souffrance, la charité. Face au jugement, la foi.”
A fide sanatio 

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