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Lettre N°7

1er juin 2018

Bonjour à Tous,

Vous êtes de plus en plus nombreux à demander à recevoir des nouvelles et j’ai toujours peur d’être indélicat, impudique dans mes réflexions. Les réponses que nous recevons semblent me donner tort de le craindre.

Nous nous sentons parfois tellement impuissants et inutiles face au désarroi de Paloma et au temps qui avance sans solution. Paz a écrit la semaine dernière un message sur Facebook pour informer de la maladie de Paloma et inviter ses amis à relativiser et à profiter pleinement de la vie. Son message a déjà été partagé plus de mille cinq cents fois et elle a reçu près de deux mille messages de soutien non seulement d’amis mais aussi de parfaits inconnus, touchés par ses paroles. Nous allons créer un site internet pour donner plus de visibilité à ce cancer méconnu dans l’espoir de faire avancer la recherche.

Je viens de lire le témoignage du papa d’une petite fille qui a succombé à cette maladie l’année dernière. Je retiens en particulier cette phrase : « De la batallas perdidas se aprende a ganar la guerra. Perder es normalmente una condición temporal. Desistir es lo que lo hace permanente.» (C’est à partir des batailles perdues qu’on apprend à gagner  la guerre. La défaite est en principe un moment transitoire. C’est abandonner qui rend ce moment pérenne.)

Dans une situation familiale normale, un père normal suffirait. La difficulté arrive quand un père normal ne suffit pas pour affronter la situation et qu’il me faudrait être un père extraordinaire pour être à la hauteur. Il me faut donc aussi assumer mes imperfections et me supporter avec.

Je ne m’inquiète pas outre mesure des symptômes de Paloma, sachant qu’ils ne sont que transitoires avant sa guérison. Cela ne m’empêche pas d’être préoccupé pour son état et ses souffrances mais ils ne sont pas pour moi une source d’angoisse comme ils le sont pour Paz. Peut-être que, tel le Don Juan aux Enfers de Baudelaire, je ne vois pas la réalité parce que je refuse de la voir, d’autant que cette tumeur n’est pas visible. Paloma, hospitalisée pour la nuit à notre retour de Marrakech, une fois rétablie, semblait en effet la moins malade de tout le service pédiatrique, les autres enfants recevant pour la plupart des traitements de chimiothérapie les laissant presque chauves. Il fallait la voir, encore aujourd’hui, pendant l’IRM, allongée sur le dos, un casque sur le visage, agiter joyeusement les pieds au rythme assourdissant de la machine, tandis que sa mère priait en pleurant, et que je demandais à Sainte Marie-Eugénie d’intercéder pour que Paloma se réveille sans paralysie faciale le matin de sa première communion.

Si on nous avait dit, il y a deux ans, quand nous sommes arrivés d’Espagne, tout ce que les vingt-quatre mois suivants nous réservaient, aucun de nous ne l’aurait cru. La transformation de Bruno, d’abord, complexé, plein de tics, détestant l’école, tellement épanoui aujourd’hui et multipliant les félicitations de ses professeurs. L’adaptation de Paloma aussi à son nouvel environnement et la réussite professionnelle de Paz, prenant un nouveau départ comme analyste de systèmes (ne me demandez pas plus de détails, je retiens à peine la fonction !). Aujourd’hui, Free-lance, elle est aussi plus disponible pour Paloma…

Et surtout, tout ce qu’il nous a été donné de vivre depuis le diagnostic de la tumeur de Paloma. Quelques exemples avec la rencontre de stars de la chanson française (Florent Pagny, Mika, Zazie, Pascal Obispo, Kendji Girac) et des rencontres privilégiées avec des candidats de The Voice bien sûr mais aussi avec toutes sortes de personnes moins célèbres mais tout aussi exceptionnelles, rencontrées à l’hôpital de Bordeaux, comme la petite Emy, deux ans, – luttant elle aussi contre un cancer – et sa famille, si forte. D’autres rencontres, plus anciennes, qui prennent tout leur sens aujourd’hui : en 1994, alors que ma sœur Aurélia se remettait de son premier cancer, j’étudiais en Khâgne la nouvelle de Gérard de Nerval à laquelle elle doit son prénom, le recueil des Filles du Feu étant au programme de Normale Supérieure cette année-là. Quelques années plus tard, mon professeur de Khâgne guérissait contre toute attente d’un cancer du pancréas. Aujourd’hui, il me poste régulièrement des DVD pour changer les idées de Paloma.

Comme vous le savez, nous avions samedi dernier (26 mai), le mariage de ma petite cousine Clémentine à Marrakech. Si nous avions su combien Paloma serait malade, et ce, dès l’atterrissage le jeudi soir, au point de devoir être internée à la Clinique Internationale de Marrakech de dimanche à mercredi, avec un retour par rapatriement sanitaire, nous ne serions pas venus. Et nous aurions eu tort. Paloma elle-même, qui y a pourtant laissé quelques plumes, était la première à me le dire. Elle a pu profiter de la soirée du vendredi dans le désert, de celle du samedi, chevaucher un chameau, rencontrant même acteurs et chanteurs invités à la noce, le tout entourée de sa famille, aux petits soins pour elle. Il m’a de nouveau été donné de constater combien être entouré aide à traverser les épreuves. Tous les invités, des plus proches à ceux qui nous étaient inconnus, se sont montrés pleins de sollicitude à notre égard. Et même la mariée, à quelques heures de la cérémonie religieuse, oubliant l’heure et son propre stress, est venue au chevet de Paloma pour la réconforter. Un mariage précédé par un tel élan d’amour est déjà béni avant même de gravir les marches de l’église.

Nous avons aussi appris cette semaine la naissance de la petite Sophie, et c’est une grande joie pour nous de nous associer au bonheur de ses parents, mon petit-cousin Charles et sa femme Julie, signe que le miracle de la vie continue à s’épanouir.

Dans la supérette en face de l’hôpital, j’ai rencontrée une femme, préoccupée pour son père, Driss, sur le point de subir une délicate opération avec seulement 50% de chances de s’en sortir. Je lui ai dit que je prierais pour son père, et que nous avions toujours une chance sur deux : s’en sortir ou pas, indépendamment des statistiques (qui nous font une belle jambe quand on fait partie des 15 ou 20% de ceux qui y restent !). J’ai ajouté que ma fille avait 0% de chances, et que pourtant, elle allait guérir, qu’elle avait juste besoin d’un miracle et que le miracle se réaliserait pour elle et pour tous les autres enfants atteints comme elle de cette tumeur assassine. La femme m’a regardé et m’a répondu : « Je crois aux miracles. Comment s’appelle votre fille ? Je vais prier pour Paloma. Nous sommes en période de ramadan, et pendant le ramadan, les miracles arrivent. » Tous les infirmiers en charge de Paloma ont aussi prié pour elle et nous ont fait partager leur repas. Jusqu’à un vendeur d’épices, rencontré avec Bruno près de la place Jemaa el-Fna, m’offrant des tisanes relaxantes pour Paloma et m’assurant de ses prières… Le chrétien que je suis est bouleversé par cet élan spontané de compassion.

Il est parfois bon de ne pas savoir ce que l’avenir nous réserve. Cela nous permet d’imaginer le meilleur… et de le voir se réaliser. Pourtant, le littéraire que je suis, se retrouve devant une équation difficile à résoudre : si Dieu existe, – ce dont je ne doute pas, –  et s’Il est bon – ce qui me paraît déjà être un pléonasme en soi – mais que Paloma ne devait pas guérir, cela voudrait dire que j’ai manqué de foi, que je n’ai pas assez cru en Dieu pour qu’elle guérisse. Jésus ne passe-t-il pas son temps à reprocher à ses apôtres leur manque de foi ? Alors, que vous croyiez en Dieu ou pas, aidez-nous, croyez en la guérison de Paloma car, plus nous serons nombreux à y croire, plus vite nous ferons de cette espérance une réalité.

À bientôt,

Henri-Christian (Oscar)

PS :

J’ai encore mis à jour la liste des villes et pays d’où vos prières et vos pensées s’envolent, n’hésitez pas à me dire ceux qui manquent ! J’ai appris notamment que toutes les églises de Toscane étaient éclairées d’une bougie pour Paloma grâce à la maman de Chloé.

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