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SUR LE BONHEUR

 Il m’arrive parfois de croiser un couple ou un jeune parent d’une trentaine d’années accompagné d’un enfant de cinq ou sept ans. Comment ne pas me revoir dans cette famille heureuse et insouciante ?
Je suis alors pris de l’envie d’aller lui dire de profiter de ces moments de grâce parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait. Mais je pense aussi qu’ils ont droit à cette insouciance et j’en viens à croire que c’est là un élément intrinsèque au bonheur. Je ne suis pas philosophe, je n’ai que peu étudié la philosophie et ignore donc les grands concepts plus ou moins abstraits autour de ce thème mais il me semble qu’on ne peut être pleinement heureux que quand on est insouciant. Est-il en effet plus belle musique que le rire d’un petit enfant, clair, entier, innocent qui sort de tout son corps, joyeux et sans retenue ? Seuls les petits enfants sont capables d’un tel rire.
Je crois avoir écrit il y a quelque temps que je pensais ne plus jamais pouvoir être heureux, je le pense toujours dans la mesure où j’ai perdu l’insouciance qui me restait encore avant que Paloma ne tombe malade et que je découvre l’univers des cancers pédiatriques et tant de familles brisées par la mort d’un enfant.
D’un autre côté, je suis capable de me réjouir bien plus de plaisirs simples comme de ce plat de pâtes préparé par Paz et partagé vendredi soir avec notre fils lors de nos retrouvailles à Saint-Jean-de-Luz après deux semaines sans nous voir.
Quel père prend autant de plaisir dans un moment pareil ? Il n’y a pas si longtemps, il m’aurait fallu un grand restaurant et des convives plus “exotiques” pour m’enchanter autant, c’est un fait.
Dormant peu, j’occupe mon temps en activités accessoires : j’écris des poèmes, j’apprends à dessiner des colombes…, il faut dire que je n’ai jamais été quelqu’un de très efficace, ni particulièrement attiré par les choses utiles…
Assez vite sur la droite, à l’intérieur de la cathédrale de Bazas, il y a un vitrail qui représente une colombe. Je vais parfois m’y recueillir. Je n’aime pas l’idée d’associer Paloma à des lieux de culte comme si c’étaient les seuls endroits où la retrouver alors qu’elle est tellement présente en nous et en beaucoup d’entre vous qui continuez à nous témoigner combien vous pensez à elle et priez avec elle, mais je dois reconnaître que ce sont là pour moi des lieux de prédilection pour m’apaiser.
Je sais que le chemin pour aller mieux sera long mais je suis bien accompagné. Alors, je pense à ceux qui n’ont pas cette chance et je m’inquiète pour eux.
Je comprends que la vie ait perdu une grande partie de son pouvoir d’attractivité et qu’ils ne trouvent pas la force de supporter leur chagrin faute de trouver un sens à leur souffrance. Et pourtant, il faut bien dépasser cette étape et avancer jusqu’à la prochaine aurore. Croyants ou pas, puissent-ils être quelque peu rassérénés par cette phrase de Jean d’Ormesson : “Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants.”
Au moment d’envoyer ces nouvelles, j’ai appris la mort de la petite Sixtine, de l’âge de Paloma, fauchée par une camionette, lundi 13 janvier dernier, à Paris, dans le quartier où habite ma mère. Nul doute que notre fille l’a accueillie et rassurée, parce qu’elle sait la différence que signifie d’arriver au Paradis sans y être préparée. Et lundi 20, en allant prier pour Paloma comme à chacun de nos passages à Saint-Jean-de-Luz, nous avons allumé deux bougies à l’église. 

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